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La
réindustrialisation de la France, sa dépendance
technologique aux géants du numérique américains
ainsi que l’actuelle crise agricole – qui
interroge son autonomie alimentaire – ont remis
au premier rang du débat public la notion de
souveraineté nationale. Une notion que le Conseil
d’Etat a d’ailleurs retenue comme sujet de son
étude annuelle, en 2024.
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Ce
document aura vocation à faire la synthèse
de l’état du droit sur le sujet en cause,
mais aussi à formuler des propositions au
Gouvernement. A cet égard, le président de
la CFTC, Cyril Chabanier, a été reçu mi-février
par le Conseil d’Etat pour présenter la
vision que la Confédération se fait de la
souveraineté. Un juste équilibre entre indépendance
et interdépendance des économies française
et européenne, sur lequel il revient
ci-dessous. |
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Comment la CFTC définit-elle la notion de
souveraineté nationale, ainsi que son
articulation dans le cadre du commerce
international ? |
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Pour la CFTC, la notion de souveraineté renvoie à
la capacité qu’a l’Etat de subvenir aux
besoins essentiels de sa population. Parmi ces
besoins prioritaires, on peut citer
l’alimentation, l’eau, la santé et l’énergie.
Pour ce faire, l’Etat doit donc privilégier
autant que possible la production domestique
de ces biens et services. Néanmoins, quand il
ne dispose pas des matières premières
requises sur le territoire national, il est légitime
de les importer et, par conséquent, de
s’inscrire dans le jeu des échanges
commerciaux mondialisés. Une politique
publique digne de ce nom doit donc identifier,
puis favoriser par ses choix budgétaires, les
voies et moyens d’un juste équilibre entre
indépendance et interdépendance de l’économie
française et/ou de l’économie européenne.
Pour la CFTC, la notion de souveraineté
n’est donc pas contradictoire avec le
principe du libre échange, du moins si les échanges
concernés ne se voient pas sujets à des règles
et pratiques concurrentielles faussées. Le
cas échéant, il appartient au législateur
de lutter contre cette distorsion de
concurrence, dans le sens d’un rééquilibrage
équitable entre les acteurs. |
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Récemment, on a beaucoup évoqué des distorsions
de concurrence dans l’Union Européenne,
qui désavantagent l’agriculture française
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D’abord, il faut rappeler que cette distorsion
s’applique en premier lieu aux échanges qui
ne sont pas strictement circonscrits aux
frontières de l’Europe. A titre
d’illustration, l’utilisation du
glyphosate est possible pour les lentilles
canadiennes importées dans l’UE, mais très
restreinte pour les lentilles produites en
France. Cette situation contribue en partie à
affaiblir nos capacités de production locale.
La CFTC soutient dès lors la nécessité
d’inclure des clauses miroirs dans les
accords commerciaux, afin d’imposer aux
produits importés les mêmes exigences
qu’aux produits européens.
Ensuite,
il faut effectivement souligner que la
concurrence déloyale peut aussi être intra
européenne. La crise agricole a par exemple dévoilé
une tendance à la surtransposition en France
de normes européennes. Une
surtransposition à laquelle ne s’adonnent
pas tous nos voisins au sein de l’UE. Il
s’agit donc de corriger au plus vite ces
distorsions. Une fois qu’elles seront corrigées,
une notion de taille ou d’échelle critique
doit enfin décider du niveau retenu pour
viser l’indépendance. Dans certains
versants de l’économie, cette autonomie
stratégique peut être majoritairement réalisée
à l’échelle nationale. Néanmoins – dans
d’autres cas de figure – elle peut aussi
être atteinte à l’échelon européen, si
une harmonisation à l’échelle continentale
est jugée plus efficace et appropriée :
c’est, entre autres exemples, le cas de la
lutte contre le réchauffement climatique, de
la gestion des menaces sanitaires, de la
co-construction d’une souveraineté numérique
et d’un éco système partagé
d’intelligence artificielle etc… En somme,
la CFTC pense qu’il faut viser à
l’articulation optimale de ces deux niveaux
de souveraineté. |
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Quel regard porter sur les politiques de réindustrialisation
de la France et l’Union européenne ?
Sont-elles suffisamment ambitieuses ? |
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Il y a effectivement une volonté de réindustrialisation
de l’appareil productif. Néanmoins, les
politiques de réindustrialisation menées par
la France et l’Union européenne sont freinées
par deux phénomènes : d’une part, par
la concurrence parfois déloyale qui demeure
au cœur même de l’Europe. D’autre part,
par les difficultés européennes à instaurer
des mécanismes de protection dont sont
capables les autres grands acteurs de la
mondialisation des échanges. Je pense
notamment aux Etats Unis et à la Chine. La
CFTC préconise donc, à l’échelle française
puis européenne, un protectionnisme ciblé.
Ensuite,
on a pu constater ces dernières années une
préférence française pour la production à
bas coûts, facilitée par des politiques
publiques d’aides aux entreprises, sans
contrepartie. Ces exonérations de cotisation
ont incité ces dernières à embaucher à un
faible niveau de rémunération – souvent
voisin du SMIC – et de qualification. Pour
la CFTC, cette politique décourage
l’investissement, l’innovation, la
formation et la gestion prévisionnelle des
besoins en emplois et en compétences (GPEC).
Elle tire la production, les entreprises et
leurs emplois vers le bas, en visant à
concurrencer des produits étrangers de bas ou
de milieu de gamme. Mais ceux-ci sont bien
souvent plus compétitifs, la concurrence
devant composer avec un modèle social plus
« allégé » et un coût du
travail moindre. Notre retard en matière
numérique résulte en partie aussi de cette
préférence devenue quasi culturelle pour la
production à bas coûts. |
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Comment combler ce retard industriel et numérique,
pour conforter notre indépendance et
notre souveraineté ? |
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Il faut développer une vision prospective à long
terme, qui fait actuellement défaut à la
France. Nous avons besoin de grands patrons,
capitaines d’industries, désireux d’entraîner
leurs équipes sur des grands projets,
pourvoyeurs d’emplois et de prestige. Ces
derniers ne sont parfois que de passage, et
n’ont pas d’ambition sur le long terme.
Les salariés et leurs représentants ne
peuvent pas être les seuls derniers défenseurs
du temps long dans l’entreprise. La CFTC
pense que ce temps long doit s’articuler
autour d’une vision stratégique de
montée en gamme de notre appareil productif,
axée sur la formation des salariés :
pour viser à proposer des produits de
meilleure qualité, il faut des formations qui
donnent de meilleures qualifications aux
travailleurs. Elles permettraient à terme aux
salariés d’accéder à une rémunération
plus avantageuse qui, à son tour, leur
donnerait la possibilité de consommer des
produits de meilleure qualité. Pour la CFTC,
ce cercle vertueux de la montée en gamme doit
participer à renforcer la spécificité, la
compétitivité, et, par capillarité, la
souveraineté économique de l’industrie
française. |
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