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Comment
anticiper les évolutions du monde du travail, en
2035 ? C’est la grande question qui a animé les débats
des intervenants conviés aux Assises du social
(ADS) ce 11 juin. Cet évènement vise à faire échanger
des acteurs issus du monde de l’entreprise, des
services publics et des syndicats, sur des problématiques
liées aux ressources humaines.
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Parmi les
participants, le président de la CFTC Cyril
Chabanier, qui a pu prendre part à une table
ronde sur l’usure physique et mentale au
travail. Un sujet majeur, pour la CFTC : notre
organisation milite pour un renforcement des
dispositifs et investissements visant à prévenir
l’usure professionnelle, aussi bien à l’échelle
des entreprises et des services publics qu’à
celle des politiques publiques.
En préambule,
les participants de la table ronde ont
insisté sur la nécessité de définir la
notion d’usure professionnelle. Depuis 2017,
celle-ci s’est en effet substituée à celle
de la pénibilité, dans le Code du Travail.
Cette invisibilisation de la notion de pénibilité
n’est pas accessoire. L’usure
professionnelle est, en effet, le résultat de
la pénibilité au et du travail. Choisir de ne parler que d’usure (en écartant
ou minimisant la notion de pénibilité),
c’est donc favoriser la mise en œuvre de
mesures davantage orientées vers la réparation
des dommages subis au travail, plutôt qu’à
leur prévention.
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Les risques psychosociaux sont un facteur d’usure au
travail … |
S’agissant de
la définition de l’usure professionnelle,
les partenaires sociaux ont adopté celle de l’Agence
nationale pour l’amélioration des
conditions de travail (ANACT). Celle-ci désigne
l’usure professionnelle comme un processus
durable d’altération de la santé, qui résulte
d’une exposition prolongée à des
contraintes de travail pouvant être d’ordre
physiques, cognitives ou psychiques.
Néanmoins, les participants de la table ronde
ont signalé que les deux principaux
dispositifs visant à prévenir l’usure
professionnelle et ses conséquences – à
savoir le compte professionnel de prévention
(C2P) et le Fonds d’Investissement
pour la Prévention de l’Usure
professionnelle (FIPU) – semblent
faire une lecture différente du phénomène
d’usure au travail.
Ils
n’identifient notamment pas comme facteur
d’usure professionnelle les risques
psychosociaux, qui sont pourtant intégrés à
la définition qu’en fait l’ANACT. Ces
risques spécifiques ont tendance à être
individualisés par le patronat, qui les
renvoie à des causes personnelles. Ils sont
pourtant bien liés à l’organisation du
travail et devraient donc relever de la compétence
et de la responsabilité de l’employeur. |
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La
disparition des Comités d’Hygiène,
de santé et de conditions de
travail ... |
Cette exemption
des risques psychosociaux des dispositifs de
prévention illustre par ailleurs une tendance
montante, dénoncée par les partenaires
sociaux lors de ces ADS : celle d’un désengagement progressif des entreprises et
administrations sur
certaines questions d’usure et de santé au
travail. A ce titre, la disparition des
Comités d’Hygiène, de santé et de
conditions de travail (CHSCT) en tant
qu’instance autonome a minoré
l’importance des problématiques d’usure
professionnelle, dans le dialogue social. Ces
CHSCT étaient en effet spécifiquement dédiés
à l’évaluation et la prévention des
risques professionnels, quand ces enjeux ne
sont aujourd’hui plus indépendamment traités
et discutés. En 2022, à peine 7% des
accords d’entreprise abordaient ainsi le thème
des conditions de travail.
Plus
inquiétant encore : le gouvernement paraît
accompagner et suivre cette tendance
patronale, comme a pu l’illustrer fin mars
l’annonce de l’expérimentation de la
semaine de 4 jours, dans les Ministères.
Cette expérimentation condense le temps de
travail – soit 35 heures – en 4 jours au
lieu de 5. La CFTC alerte sur les effets néfastes
que ce type d’organisation du travail
pourrait avoir sur les salariés : plutôt
que de réduire la pénibilité au et du
travail de ses salariés (pénibilité ici
accentuée par une charge de travail
quotidienne plus importante), l’employeur
pourrait en effet être incité à se
contenter de leur donner un jour supplémentaire
de repos. |
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Remettre l’usure professionnelle au cœur du dialogue
social … |
Dès lors,
comment réinscrire l’usure professionnelle
et la pénibilité au rang des enjeux et problématiques
majeurs, au sein des entreprises et
administrations? Pour la CFTC, il s’agit
d’abord de renforcer les dispositifs
protégeant les salariés de l’usure
professionnelle. Notamment le compte
professionnel de prévention (C2P), qui avait
été amputé de 3 des 10 risques
professionnels qu’il visait auparavant à prévenir
et traiter. La gestion de ces risques (les
postures pénibles, les vibrations mécaniques
et les manutentions manuelles de charge) avait
été intégrée au sein d’un autre
dispositif, le FIPU. Celui-ci n’offre
cependant pas aux salariés les mêmes
possibilités de reconversion et de formation
que le C2P.
La
CFTC demande ainsi la réintégration des
trois risques concernés au compte
professionnel de prévention. Plutôt que
d’aller dans le sens d’une déresponsabilisation
des entreprises et administrations, elle
milite également pour un renforcement du
dialogue social sur l’usure au travail. En
ce sens, il convient de sanctuariser les
espaces de dialogue autour des conditions de
travail, en instaurant l’obligation de
constituer une commission de santé et sécurité
au travail (CSST), pour les entreprises d’au
moins 50 salariés. |
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Adapter le travail à l’homme, et pas l’inverse … |
Enfin, la CFTC
considère que la lutte contre l’usure
professionnelle doit opérer une
transformation structurelle, permettant d’agir
davantage dans une logique de prévention que
de réparation. A cet égard, elle défend la
mise en œuvre, au sein des entreprises et
administrations , d’une culture de la prévention
primaire : celle-ci doit viser à adapter le
travail à l’humain, et non l’inverse. Ce
ne sont pas les salariés qui devraient
s’accommoder de postes de travail toujours
plus complexes ou pénibles, mais bien les
postes de travail qui devraient être mieux
adaptés aux travailleurs, dans l’optique de
ne causer que peu -voire pas- de pénibilité.
Pour la CFTC, cette logique de retournement
n’est pas inaccessible, et peut être
favorisée par le progrès technologique :
l’IA peut par exemple contribuer à
l’automatisation de certains actes pénibles,
les exosquelettes pouvant faciliter
la tâche des travailleurs manipulant des
charges lourdes etc…
Ce
mieux vivre au travail nécessitera néanmoins
des changements et des adaptations. Des
investissements conséquents dans la formation
et la reconversion des travailleurs seront
indispensables, aussi bien à l’échelle des
entreprises que des politiques publiques. Ils
devraient plus spécifiquement cibler les
salariés qui sont les plus exposés à des
facteurs d’usure professionnelle, afin de
les orienter – à un moment pivot de leur
carrière – vers des emplois plus
protecteurs de leur santé physique et
mentale. L’amélioration de la prévention
de l’usure professionnelle doit aussi
s’inscrire, de fait, dans une démarche plus
globalisante, qui demandera de davantage
anticiper et cartographier les parcours
d’emploi de tous les salariés. |
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