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Née
d’une très haute ambition dans le
contexte dramatique de la Libération, la
Sécurité sociale a 75 ans. Pour
Christine Lecerf, première secrétaire générale
adjointe de la CFTC, c’est le même
niveau d’ambition qu’exige la crise
sanitaire que nous traversons
aujourd’hui.
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La Sécurité sociale
a-t-elle démontré sa force pendant la
crise du Covid-19 ?
Là où elle a été la plus performante, c’est sur la prise
en charge immédiate des personnes mises
en confinement, au travers des indemnités
journalières. Les agents du réseau de
la Sécurité sociale sont très
empreints de cette idée de bien commun,
ils ont en effet réalisé un travail énorme,
en prenant en charge les prestations
supplémentaires. Au passage, je tiens
à signaler qu’ils souffrent d’un
manque de reconnaissance et que leurs
carrières ne sont pas assez
attractives.
En outre, la Sécurité sociale a été immédiatement
efficace, et dans toute la France, avec
ses brigades Covid.
En
revanche, sur le plan financier, la
dette est tellement abyssale que la
jeune génération ne pourra pas l’éponger
à elle seule. Par chance, elle a été
contractée au moment où l’ancienne
dette était quasiment apurée. Cela
dit, la dette, c’est aussi de
l’investissement, pour moderniser le
système hospitalier et, nous le
demandons, mieux rémunérer les
personnels, etc. Elle contribue à la
relance de l’économie par la
consommation… C’est en fait ce qui
permet à la Sécurité sociale de
remplir sa vocation première
d’amortisseur social. Enfin, sans la
dette, la Sécu n’existerait plus
aujourd’hui, et nous ne célébrerions
pas aujourd’hui son 75e anniversaire.
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L’esprit dans lequel a
été créée la Sécurité sociale
est-il toujours d’actualité ?
En
1945, la France est à genoux et il
n’y a plus d’argent nulle part.
Pourtant, on crée la Sécurité
sociale, un instrument
extraordinairement protecteur, qui allie
le collectif, c’est-à-dire le bien
commun, et l’utile à chacun. Cela
permet de fabriquer de l’intergénérationnel
car le niveau de prise en charge, par
exemple pour le risque maladie, est le même
qu’on ait travaillé quelques années
ou plusieurs décennies.
Pourtant, comme à la Libération, nous devons être ambitieux
et investir malgré une situation de
crise extraordinaire. La CFTC a été de
ce combat fondateur mais rappelons-nous
que la Sécurité sociale est mortelle,
tout comme la République et la démocratie.
Et que, pour perdurer, elle a besoin
d’un soutien intergénérationnel. Or,
beaucoup de jeunes, aujourd’hui,
pensent que la Sécu ne sert à rien,
qu’ils n’auront jamais de retraite,
etc. Il faut donc regagner leur
confiance. Et retrouver le sens
fondamental de la Sécurité sociale,
qui était : « contribuer
selon ses moyens et recevoir selon ses
besoins ».
Le
risque est qu’à un moment donné, une
génération qui arrivera au pouvoir
estimera que la Sécu n’a pas fait son
travail. Et l’invalidera. C’est
pourquoi nous devons d’abord réfléchir
à un moyen d’étaler cette dette dans
le temps, afin qu’elle ne soit pas le
fardeau de la génération qui arrive.
Ensuite, la Sécurité sociale doit
continuer d’être un outil dynamique,
qui fait progresser les droits. Après
le RMI, le RSA, l’accès aux soins
pour tous, etc. il faut poursuivre ce
travail, avec, par exemple, l’amélioration
du droit au congé paternité. C’est
aussi corriger ce qui ne va pas et
s’attaquer aux inégalités, au
non-recours aux droits ou au reste à
charge, par exemple
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Quelles sont les évolutions
à venir de la Sécu ?
Une évolution essentielle est la territorialisation
croissante de la santé. Je pense
qu’il faut maintenir un maillage départemental
et territorial de la Sécurité sociale.
Le service de proximité et la prévention
passent en effet par des coopérations,
avec les élus, les services d’aide
sociale, etc. De plus, le parcours de
soins est forcément un réseau de
proximité.
On va aussi vers davantage de digitalisation. Celle-ci va
permettre d’améliorer l’accès aux
soins et à la prévention. Et de
recourir plus rapidement à la médecine
spécialiste, notamment à l’imagerie
médicale.
Par ailleurs, nous aurons à l’avenir des services de plus
en plus personnalisés. Si l’on prend
l’exemple du diabète, les risques et
l’accompagnement ne sont pas du tout
les mêmes en fonction de l’âge.
C’est la notion de parcours de soins.
Il ne s’applique aujourd’hui qu’au
curatif. Mais je pense qu’on pourrait
l’étendre à la prévention, qu’il
s’agirait d’adapter à la situation
vécue par chacun. On constate en effet
des inégalités importantes en termes
d’espérance de vie, en fonction du
territoire, des revenus et de la
situation socio-économique.
Il faudrait aussi prendre en compte les moments de plus grande
fragilité dans le cycle de vie.
L’adolescence, par exemple, est un
moment difficile, qui comporte notamment
des risques de dépendance au tabac, à
l’alcool ou aux drogues.
Autre évolution, qui est même un point d’orgue dans
l’histoire de la Sécurité sociale,
c’est la création de la cinquième
branche Dépendance. La CFTC s’en réjouit
évidemment, puisque qu’elle
l’appelait de ses vœux depuis très
longtemps. Mais nous ne voudrions pas
que ce soit un projet sous-dimensionné.
L’enjeu est d’améliorer la vie des
personnes âgées sur les dernières années
de leur vie, en les maintenant à
domicile le plus longtemps possible. Il
s’agit d’être innovant, en
s’inspirant de projets qui permettent
de vieillir sans être séparés du
reste de la société.
Enfin, avec la Covid, pour la première fois dans l’histoire
de la Sécurité sociale surgit la
notion de catastrophe improbable. Ce
risque, on s’est rendu compte que
personne ne le garantissait, pas même
l’assureur privé, alors que son coût
est extraordinairement élevé.
Jusqu’ici, un tel virus survenait tous
les 100 ans. Mais si dans dix ans, nous
avons une nouvelle Covid, est-ce que la
Sécurité sociale va encore
s’endetter à hauteur de 100 milliards
d’euros ? Il y a une prospective
à mener sur ce type de risque.
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Christine
Lecerf,
première
secrétaire générale
adjointe
de la CFTC |
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