Monsieur
le Premier Ministre,
Le
projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2020 prévoit un retour au déficit
et nous le déplorons. Cette trajectoire est
contradictoire avec celle prévue l’an
dernier. Elle ne respecte pas les efforts
demandés aux Français depuis plus d’une
décennie (déremboursements, création des
franchises médicales, nouvelles taxes).
Elle ne
respecte pas non plus les structures
sanitaires, sociales et médicosociales et
leurs salariés. Le retour au déficit
n’est pas uniquement le résultat de dépenses
non maîtrisées, mais également celui
d’un assèchement délibéré des recettes
provoqué par la non-compensation intégrale
des exonérations de cotisations sociales.
Ce
renoncement à l’équilibre des comptes
sociaux est une conséquence directe et prévisible
de la suppression du principe, instauré il
y a vingt cinq ans par la loi Veil, de
compensation intégrale des pertes de
recettes de la Sécurité sociale au titre
de tout nouveau dispositif d’exonération
de cotisations.
Le
gouvernement avait ouvert une brèche budgétaire
l’an dernier en y mettant fin. Nous avions
alors fait part de notre profond désaccord.
Cette année, nous redoutions une mesure de
tuyauterie budgétaire au détriment de la Sécurité
sociale. Nous avions vu juste. Fédérations
nationales de la protection sociale et de la
santé, organisations syndicales représentantes
des assurés sociaux et associations
d’usagers, nous en appelons aujourd’hui
solennellement au retour à la compensation
intégrale.
Nous
tenons aussi à rappeler collectivement
notre attachement à l’autonomie du budget
de la Sécurité sociale. Cette autonomie
permet d’éviter la dilution dans le
budget de l’Etat des financements alloués
à la protection sociale. En protégeant de
la tentation de faire du budget de la Sécurité
sociale une variable d’ajustement de choix
politiques imputables au budget de l’Etat,
elle représente la meilleure garantie de pérennisation
de notre système solidaire et de son
financement.
Faire
endosser par la Sécurité sociale le coût
des mesures d’urgence décidées il y a
quelques mois met à mal cette autonomie et
fragilise notre système de protection
sociale.
Ce
constat est d’autant plus douloureux que
ce système craque de toutes parts, comme
l’illustrent particulièrement la crise
des urgences, et celles, plus générales
mais tout aussi aigües, de l’hôpital et
des EHPAD.
Notre
système de protection sociale nécessite
pourtant un haut niveau d’investissement.
A ce titre, nous regrettons la faiblesse du
niveau de l’ONDAM prévu pour 2020, inférieur
de moitié à la hausse tendancielle.
Ce système
devrait être également plus cohérent, à
l’image de la branche accidents du
travail/maladies professionnelles (AT/MP),
largement excédentaire depuis plusieurs années,
qui continue à indemniser insuffisamment
les assurés concernés et pour lesquels il
conviendrait de renforcer les politiques de
prévention des risques.
Le
gouvernement renonce donc à financer ce
système à la hauteur des enjeux et à le
transformer.
Au
regard des arbitrages budgétaires
gouvernementaux, notre inquiétude grandit
par ailleurs, à mesure qu’approche la réforme
du Grand âge et de l’autonomie et la
problématique de son financement qui ne
semble pas résolue, alors qu’un
glissement de quelques années du
remboursement de la dette sociale pourrait
permettre de le solutionner.
Les
signaux sont alarmants et l’urgence est là.
Des décisions fortes doivent désormais être
prises.
En
conclusion, nous réclamons notamment la
compensation des mesures contenues dans la
« Loi MUES », une revalorisation immédiate
de l’ONDAM afin de répondre aux enjeux
actuels et futurs, et des mesures à la
hauteur des attentes de la population en
matière de prise en charge du Grand âge et
de l’autonomie.
Nous
vous prions de croire, Monsieur le Premier
Ministre, en l’assurance de notre très
haute considération.
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