Propos recueillis par Sylvain Henry
"Désespérer
les fonctionnaires favorise la montée des extrêmes"
Les annonces de gel des salaires des fonctionnaires
vont conduire les agents publics à une réaction
"anti-UMPS" et à se tourner vers les partis politiques
d’extrême droite et d’extrême gauche, redoute Denis
Lefebvre, secrétaire général de la CFTC Fonction publique.
Vous vous inquiétez d’une montée des extrémismes dans la
fonction publique après les annonces du gel des salaires.
Pensez-vous que le Front national gagne du terrain auprès des
fonctionnaires ?
Il existe aujourd’hui un terrain prospère pour les
extrêmes, de droite comme de gauche. Le danger est réel : le
fait de désespérer les agents publics favorise la montée de ces
courants politiques dans leurs rangs. Je l’ai dit à la ministre
Marylise Lebranchu : les annonces sur le maintien du gel du point
d’indice peuvent conduire à une réaction "anti-UMPS".
Car si le discours du gouvernement en direction de la fonction
publique a changé, sa politique reste dans les faits la même que
celle du précédent gouvernement. À l’exception de la journée
de carence qui a été supprimée.
Que vous disent les agents que vous rencontrez ?
Nous entendons ce désaveu du gouvernement, nous ressentons
cette inquiétude, ce désespoir. Les gens nous parlent de leur
pouvoir d’achat en baisse, des soins coûteux qu’ils ne
peuvent plus se payer, de leurs difficultés à se loger… C’est
par ailleurs très mauvais pour le syndicalisme réformiste, parce
que nous n’obtenons rien. Nous nous présentons avec une
escarcelle vide, en dehors de la suppression du jour de carence et
de quelques points indiciaires obtenus en faveur des agents de la
catégorie C et de la catégorie B. C’est très peu. Les agents
nous demandent des comptes…
Le discours que vous entendez sur le terrain a-t-il évolué
ces dernières années ?
La situation des fonctionnaires s’est considérablement
dégradée ces dernières années et le discours de certains se
radicalise. Il y a une forme de rejet du politique et du syndical
que nous ne constations pas il y a cinq ans. Le gouvernement n’a
pas l’air de s’en rendre compte.
Que répondez-vous à ces agents inquiets ?
Nous leur expliquons ce qui se passe, que les négociations n’aboutissent
pas… Les récents propos malheureux de la ministre de la
Fonction publique expliquant que les salaires ne seront pas gelés
jusqu’à la fin de la mandature sont en fait très inquiétants.
Cela nous amène à 2017 ! Avec ce raisonnement-là, on peut avoir
une augmentation en janvier ou en mars 2017… C’est
inacceptable.
Pouvez-vous durcir le ton ? Pourquoi la CFTC ne s’est-elle
pas associée aux 4 syndicats qui appellent les agents à faire
grève le 20 mars ?
Peut-être la fonction publique n’est-elle pas encore mûre
pour une mobilisation de grande ampleur, mais on s’en rapproche.
Des mouvements plus durs vont se préciser dans le secteur public.
Et des élections se préparent. Le risque est d’aboutir à une
situation totalement délétère avec un abstentionnisme massif,
des votes extrémistes, une montée des corporatismes. Tout cela
conduit à une perte d’attractivité du secteur public qui se
mesurera véritablement lorsque le chômage aura baissé.
Que demandez-vous à Marylise Lebranchu ?
D’ouvrir des négociations salariales et de préciser un
calendrier en matière de rémunérations auquel le gouvernement
se tiendra. Et de ne pas déclarer que le point d’indice restera
gelé les prochaines années. S’il s’entête, le gouvernement
va rencontrer de très gros problèmes avec la fonction publique.
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