Impôts
: des contribuables à la recherche d’un délai
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Article de
la Voix du Nord du samedi 14 décembre 2013 |
Ils
sont une petite dizaine à attendre l’ouverture du
rideau de fer du centre des impôts de Lens. Avec une
régularité de coucou suisse, le rideau s’ouvre en
grinçant à 8 h 30 et 13 h 30, du lundi au vendredi.
Cette fois, ils sont une petite dizaine à poireauter dans
le froid. À quelques jours de la dernière échéance
pour régler la taxe d’habitation, Bernadette, 49 ans,
de Sallaumines se prépare à négocier, cette année
encore, un délai pour payer ses impôts locaux. " Je
verse ce que je peux. J’ai fini de payer mes impôts de
l’année dernière en octobre", dit-elle
tranquillement. De 1991 à 2011, elle n’a pas payé la
taxe d’habitation. " Les impôts n’ont jamais su
m’expliquer pourquoi." L’échelonnement de sa
contribution, elle le gère presque elle-même. " Ils
n’ont pas le droit de refuser d’encaisser",
annonce-t-elle résolue à sa voisine de file, comme un
bon conseil qu’on se passerait entre copines. Cela fait
deux ans qu’elle fait comme elle peut pour payer ses
impôts. |
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Bernadette
est loin d’être la seule à demander un délai de
paiement pour ses impôts. Les syndicats ne sont pas d’accord
sur les chiffres : 30 % de hausse des demandes de délai
dans la région pour le syndicat majoritaire, Solidaires
Finances publique. Force ouvrière (FO) et la CFTC Finances
publiques s’accordent, pour leur part, sur une hausse
importante du nombre de délais demandés et de la
fréquentation des centres, mais sans s’avancer sur le
terrain de la statistique. Répondant à la polémique
allumée par Le Figaro et Europe 1, le ministre délégué
au Budget, Bernard Cazeneuve, a confirmé, au niveau
national, une augmentation du nombre de délais de paiement
accordés de 9 % par rapport à 2012, mais assure que la
fréquentation des centres ne serait en hausse que de 1,4 %. |
Administration
muette
Quelle place occupe le Nord-
Pas-de-Calais dans ces chiffres ? Interrogée à tous les
échelons hiérarchiques, la Direction générale des
finances publiques (DGFIP) refuse catégoriquement de donner
la moindre donnée sur la question. À force d’insistance,
il nous sera même proposé de déposer un recours devant la
commission d’accès aux documents administratifs. Mais l’avis
de celle-ci est long à obtenir et… consultatif.
En off, les directions des centres
confirment bien une hausse notable. " Les dates d’échéances
du 15septembre, 15 octobre et 15 novembre ont été des
moments particulièrement éprouvants", se souvient Rachid
Azzoug, président du syndicat CFTC Finances publiques
en poste dans le Pas-de-Calais. " Nous sommes dans une
région où les contribuables viennent aux guichets pour un
oui ou pour un non", explique Rachid Azzoug.
Dernière date chaude à venir : le 16 décembre, pour les
impôts locaux.
Première dans l’histoire du centre des
impôts de Lens, le 15 novembre pour l’échéance de la
taxe d’habitation, les agents d’accueil ont eu la
surprise de découvrir une file d’attente de 200 à 300
personnes dans la rue. Pour faire face, les entrées ont
été filtrées. Ruée en masse sur les guichets ou
conséquence de la fermeture des centres de Liévin et d’Avion
? En l’absence de données, la question restera en
suspens. Tout juste notera-t-on que les effectifs de DGFIP
ont diminué de 15 % en dix ans selon le syndicat FO -
DGFIP |
Et
pour les entreprises ?
Des entrepreneurs assommés par une
pression fiscale intenable, en un an ce petit refrain est
devenu l’argument massue de tous les mouvements patronaux.
Mais pour autant, les entreprises sollicitent-elles plus que
d’habitude le fisc afin d’obtenir un délai pour payer
leurs impôts ? C’est ce qu’affirme le syndicat
Solidaires Finances publiques (lire ci-dessous) : 40 % d’augmentation
des demandes de délai. Motus et bouche cousue sur la
question, à la Direction générale des finances publiques,
aucun chiffre ne sortira sur la situation dans le Nord-
Pas-de-Calais. Moins taiseux, l’URSSAF note une
augmentation régionale du nombre de demandes de délai d’à
peine 1 %.
Pour les entrepreneurs, la problématique
fiscale de la fin de l’année se nomme CFE, pour
cotisation foncière des sociétés, un dispositif ayant en
partie remplacé la taxe professionnelle, à payer pour le
15décembre. " Pour ma première année d’activité,
j’ai trouvé cette CFE un peu dure, confie Christian
Pamart, graphiste indépendant à Haubourdin. Je travaille
de chez moi, je ne me verse pas de salaire, j’ai créé
mon entreprise en octobre 2012 et l’on me demande
directement 900 euro." Pour ne pas avoir d’ennuis, le
chef d’entreprise a immédiatement payé. Il commence
maintenant un parcours du combattant pour tenter d’alléger
la note. "J’ai contacté la chambre de commerce et d’industrie
à qui je dois régler 537 euro pour la CFE et la chambre
des métiers et de l’artisanat à qui je dois 300 euros",
raconte l’entrepreneur. Il a ainsi fait une demande de
remise gracieuse auprès de cette dernière. Son dossier est
à l’étude.
" Pour l’instant, l’on ne peut
dire que nous croulions sous ce type de demandes, commente
Alain Griset, président de la chambre de métiers et de l’artisanat
du Nord- Pas-de-Calais. Nous savons que la situation est
délicate. Pour les entrepreneurs qui payaient peu d’impôts,
les sommes ont beaucoup augmenté : cela peut aller jusqu’à
deux ou trois fois le montant de l’année
précédente." La Confédération générale du
patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) du
Pas-de-Calais ne dit pas autre chose quand Jean-Jacques
Guison, son président, explique " ne pas avoir
constaté d’augmentation des demandes auprès de ses
adhérents". Les petits patrons s’alarment, en
revanche, pour leurs employés. " Je n’ai jamais vu
autant de demandes de saisie sur salaire de la part de l’administration
fiscale sur mon personnel. J’en discute avec d’autres
chefs d’entreprise, c’est véritablement alarmant comme
phénomène. Les premiers touchés restent les
salariés." |
Que
faire en cas de difficultés
?
Avant d’entamer une correspondance avec
les agents de la Direction générale des finances
publiques, toujours garder à l’esprit que " l’impôt
est dû ". Répétée à l’envi dans 852 articles du
code général des impôts, la formule est le mantra du
percepteur. Une fois cette règle posée, la date exacte d’échéance
du paiement de l’impôt figure sur l’avis d’imposition.
Au-delà de ce délai, une majoration de 10 % sera
appliquée.
Les modalités de l’étalement de l’impôt
à payer et le nombre de versements sont à négocier avec
le fisc. S’il s’agit d’un premier cas, un paiement en
trois fois sera proposé sans majoration. En cas de
récidive, celle-ci viendra s’ajouter, à hauteur de 10 %.
Lors de l’entretien avec l’agent de la Direction
générale des finances publiques, un paiement par
mensualisation pour les impôts de l’année suivante sera
systématiquement proposé.
Dans tous les cas, le trésorier du
centre conserve une certaine marge d’appréciation. Mieux
vaut donc ne pas tarder pour se rendre dans son centre.
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Article
publié dans la Voix du Nord du Samedi 14 décembre 2013 |
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