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Depuis
plusieurs semaines, les parlementaires examinent
deux propositions de loi visant à davantage
encadrer l’accès et l’offre de soins de
ville: l’une d’elles veut notamment réguler
strictement la liberté d’installation des médecins,
quand la seconde souhaite la conditionner au
respect de certains engagements.
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Si elle est favorable à l’émergence d’une structure
chargée de la gouvernance de l’installation
des médecins, la CFTC doute que les mesures
prévues par ces deux textes puissent
permettre de lutter plus efficacement contre
les déserts médicaux.
Voici
ci-dessous quelques explications de Léonard
Guillemot ( voir photo à gauche ) , chef de
file sur les questions assurance maladie et
représentant CFTC au Haut Conseil pour le
financement de la protection sociale.
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Six millions de Français sont sans médecin
traitant aujourd’hui. Huit millions
vivent par ailleurs dans un désert médical.
Comment en sommes-nous arrivés à cette
situation ...
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Pour comprendre ce qui a provoqué cette pénurie de médecins
généralistes, il faut revenir aux décisions
qui ont été prises dans les années 1990. A
l’époque, pour réguler le système de
soins et faire en sorte de limiter les dépenses, on a joué sur une raréfaction de
l’offre médicale. Le ministre de la santé
fixait notamment le nombre d’étudiants
pouvant accéder à la 2ème année de médecine,
via un numérus clausus très restrictif qui
limitait donc à échéance de 10 ans le
nombre de médecins ( il faut entre 8 et
10 ans pour former un médecin). En substance,
on se disait que moins de médecins, c’était
moins d’ordonnances délivrées et donc
moins de remboursements à effectuer pour
l’assurance maladie. Les médecins, de leur
côté, devaient aussi y gagner, puisqu’ils
faisaient face à moins de concurrence.
Tout
ceci répondait néanmoins à une logique
court-termiste, qui ne tenait nullement compte
des enjeux sanitaires, dans les 10 à 15 ans
à venir. Cela a abouti à la pénurie de médecins
de ville, qu’on connaît actuellement. Entre
temps, plusieurs mesures ont été déployées
pour inciter les médecins à s’installer
dans les déserts médicaux, mais elles
restent assez légères, voire plutôt cosmétiques.
Elles ne pèsent pas vraiment sur la décision
d’installation des médecins. |
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A ce titre, deux propositions de loi visant à
davantage contraindre l’installation
des médecins sont en cours d’examen
par les parlementaires. L’une
d’entre elles régulerait strictement
l’installation des médecins libéraux
ou salariés, qui devraient solliciter
l’aval de l’Agence Régionale de
Santé …
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Le
cas échéant, le droit d’installation des médecins
serait en effet octroyé dans les zones qui
connaissent un déficit de soignants. Dans les
territoires mieux pourvus, un médecin ne
pourrait s’installer que lorsqu’un autre
s’en irait. Ça, c’est pour la théorie.
En pratique, on peut craindre que cette loi ne
génère des effets pervers significatifs : il
y a en effet un risque que les médecins se détournent
de la médecine de ville, pour faire tout
autre chose. Il y a plein de besoins, dans
beaucoup de domaines : médecine esthétique,
de santé au travail, au sein des complémentaires
santé etc…
D’autre
part, ça ne règle pas le problème de la pénurie
d’offre médicale, dans son ensemble :
elle est plus accentuée dans certaines zones
géographiques, oui, mais aujourd’hui, il
y a un manque de médecins partout, y compris
dans les agglomérations.
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Les défenseurs de cette proposition de loi
expliquent que l’installation des kinésithérapeutes,
des pharmaciens et des infirmières libérales
est réglementée : ils ne peuvent pas
s’implanter dans des zones qui sont déjà
trop dotées. Pour eux, ces restrictions
devraient donc aussi concerner les médecins
... |
Sauf que la logique appliquée à un kiné ou un
infirmier ne prévaut pas pour un médecin:
pour pouvoir avoir accès à un kiné ou un
infirmier, il faut d’abord un médecin qui
fasse une prescription ! Les infirmiers
et les kinés ne peuvent donc s’installer
que dans des zones où il y a des médecins.
Mais si cette loi participe à désinciter à
l’exercice de la médecine de ville, tout le
monde sera perdant.
Quant
à la seconde proposition de loi (déposée au
Sénat), elle pose des conditions à la
liberté d’installation des médecins, mais
elle ne la remet pas en question. Elle est
plus souple, certes, mais elle tente, en
somme, d’apporter des solutions à ce
qu’elle considère comme une situation figée,
comme si la France de 2035 allait être celle
de 2050. Pour la CFTC, c’est l’inverse
qu’il faudrait faire, en considérant
cette problématique de manière dynamique, évolutive. |
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Pour être plus précis … |
Il
faudrait mettre en place un dispositif de régulation
de l’installation des médecins, qui réponde aux
réalités du développement de la population
et des dynamiques macroéconomiques région
par région, département par département,
sur le moyen-long terme. On peut orienter et répartir
l’offre médicale en anticipant, via du
croisement de données et de la prospective,
dans quelles villes de nouveaux emplois seront
le plus massivement crées, où les retraités
vont davantage choisir de s’installer etc…Ces
données pourraient instruire une nouvelle
gouvernance de l’installation des médecins
qui, pour la CFTC, ne peut être acceptée par
les professionnels de santé que s’ils en
sont eux même en partie acteurs. Les
syndicats de médecins et le conseil de l’Ordre
devraient donc y être intégrés. |
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Mais comment davantage encadrer la liberté
d’installation, tout en la préservant ?
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Plusieurs
pistes peuvent être mises à l’étude. On
pourrait, par exemple, imaginer que les étudiants
en fin de cursus puissent émettre des vœux
d’installation, qui les engageraient sur un
certain nombre d’années. En fonction de
leur classement, ils se verraient ensuite
confirmer leur 1er,
2ème
ou
3ème
choix. En complément, on pourrait aussi
proposer des bourses, pour les inciter à
choisir de s’installer dans des zones
particulièrement peu pourvues en médecins.
Par
ailleurs, les médecins effectuent
aujourd’hui leurs études exclusivement dans
des universités médicales qui se situent
dans des grandes agglomérations. Il faudrait
donc décentraliser les formations médicales dans
des plus petites villes, y créer aussi
davantage de stages. Ça permettrait d’avoir
de la compétence médicale dans des villes
qui en manquent, mais aussi aux étudiants de
pouvoir se projeter sur une éventuelle
installation, dans ces métropoles de
dimension moindre. |
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On rationaliserait la répartition de l’offre médicale,
mais comment former davantage de médecins ?
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Il
faudrait probablement ouvrir encore davantage
le numérus apertus (il s’agit du quota qui
limite le nombre d’admissions en 2ème
année
d’études de santé). Cela avait déjà été
fait du temps de la présidence de François
Hollande, mais trop timidement : on
forme toujours moitié moins de médecins que
dans les années 1970, où la population était
pourtant significativement plus jeune.
Ensuite,
il faudrait que le secteur médical mette sur
pied une vraie filière emploi : un
infirmier devrait pouvoir, via des formations
adaptées et des stages sur plusieurs années,
se reformer petit à petit, pour accéder en
milieu ou fin de carrière à un poste de médecin.
Toutes ces problématiques ne sont, en somme,
pas insolubles, mais pour répondre à la
carence de médecins et à leur inégalité de
répartition sur le territoire, il faut
s’attaquer à un problème de gouvernance et
de pilotage, sur le temps long. Ce que ces
deux propositions de loi ne font justement
pas. |
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