Voici des extraits d’une tribune d’un
              économiste et chercheur au CNRS, Alexis Spire,  intitulée
              "Tensions à venir dans les centres d’impôts" qui
              relate dans le Monde du 27 Septembre 2013, les conséquences de la
              politique fiscale actuelle sur les accueils des centres des
              finances publiques.Il pointe assez justement l’impact des
              mesures fiscales sur les ménages et la situation de la DGFiP de
              plus en plus saignée au niveau emplois et moyens. Un mélange
              détonnant qui rend indispensable l’arrêt des suppressions de
              postes et la prime pour les agents d’accueil.
              
                 "Depuis plusieurs semaines, la prophétie
              autoréalisatrice lancée en août par le ministre de l’économie,
              Pierre Moscovici, se propage comme un feu de paille : journalistes
              et politiques se relaient pour s’apitoyer sur le
              "ras-le-bol fiscal" annoncé des classes moyennes. Pour
              donner corps à cette prophétie, les sondeurs ont eux aussi été
              mis à contribution : on a ainsi pu découvrir que les
              contribuables ne sont pas enthousiastes à l’idée de payer des
              impôts, surtout lorsque la réponse est contenue dans la
              question. Pendant ce temps-là, les réformes déjà engagées
              produisent des effets qui restent dans l’ombre, car ils touchent
              des populations invisibles dans le débat public.
  
              "Depuis plusieurs semaines, la prophétie
              autoréalisatrice lancée en août par le ministre de l’économie,
              Pierre Moscovici, se propage comme un feu de paille : journalistes
              et politiques se relaient pour s’apitoyer sur le
              "ras-le-bol fiscal" annoncé des classes moyennes. Pour
              donner corps à cette prophétie, les sondeurs ont eux aussi été
              mis à contribution : on a ainsi pu découvrir que les
              contribuables ne sont pas enthousiastes à l’idée de payer des
              impôts, surtout lorsque la réponse est contenue dans la
              question. Pendant ce temps-là, les réformes déjà engagées
              produisent des effets qui restent dans l’ombre, car ils touchent
              des populations invisibles dans le débat public.
              C’est que, en matière de fiscalité, des
              mesures apparemment très techniques peuvent avoir d’importantes
              répercussions pour des milliers de ménages. L’abaissement du
              plafond de la demi-part dont bénéficient certains parents
              isolés en est une qui risque de toucher beaucoup de veufs et de
              vieux parents divorcés, pas nécessairement fortunés. Le gel du
              barème de l’impôt sur le revenu en est une autre. Ce tour de
              passe-passe, déjà utilisé par Valéry Giscard d’Estaing pour
              faire presque doubler le nombre de contribuables entre 1959 et
              1969, a été ressuscité en 2011 par le gouvernement de François
              Fillon et reconduit en 2012 par la majorité actuelle. Une mesure
              qu’elle envisage désormais d’abandonner. Pour autant, après
              une augmentation de 940 000 contribuables en 2012, la direction
              générale des finances publiques (DGFIP) estime qu’il y en aura
              un million de plus en 2013.
              En devenant imposables, beaucoup de ménages
              populaires vont ainsi être assujettis à la taxe d’habitation
              et, par voie de conséquence, à la redevance audiovisuelle, sans
              que, dans le même temps, leur pouvoir d’achat ait
              véritablement augmenté. Aucun risque que ces nouveaux
              contribuables ne quittent le pays ou ne défiscalisent leurs
              revenus dans les territoires d’outre-mer.
              En revanche, ils vont être nombreux à se
              déplacer dans les centres des finances publiques pour demander
              des explications, des mesures gracieuses ou des facilités de
              paiement concernant des contributions dont ils ne pensaient pas
              être redevables. A la différence de ceux qui fustigent l’impôt
              au nom de l’esprit d’entreprise, ces profanes de la fiscalité
              n’ont pas les moyens de s’entourer de comptables et autres
              conseillers en patrimoine. Ils devront s’en remettre aux agents
              des finances publiques qu’ils trouveront au guichet. S’ils
              sont assez persévérants.
              DES CONTRIBUABLES MODESTES MIS À
              CONTRIBUTION
              On pourrait penser que les récentes
              réformes administratives les y aideront : la fusion entre la
              direction générale des impôts et la direction générale de la
              comptabilité publique a toujours été présentée comme un moyen
              de mieux accueillir l’usager. Mais parallèlement à cette
              réforme, la DGFIP a continué à supprimer des emplois à un
              rythme plus soutenu que dans n’importe quelle autre
              administration. En dix ans, à raison de quasiment deux départs
              à la retraite sur trois non remplacés, plus de quinze mille
              postes ont été supprimés, principalement parmi les agents de
              catégorie C qui, pour beaucoup, participent à l’accueil du
              public.
              Dans les jours qui viennent, tous les
              ingrédients sont donc réunis pour que les tensions soient
              maximales : des contribuables modestes mis à contribution pour
              éponger les déficits publics, des agents en nombre insuffisant
              pour les accueillir et un impôt profondément injuste, la taxe d’habitation,
              calculée selon une valeur cadastrale des logements établie en
              1973 et ne tenant pas compte des revenus...
              A l’approche de l’adoption du budget
              2014, la trame du débat colle à un scénario qui frise la
              caricature : alors que les politiques se font l’écho de ceux
              qui brandissent le ras-le-bol fiscal pour obtenir de nouvelles
              baisses sur les cotisations patronales et moins de contrôles sur
              les crédits d’impôt accordés aux entreprises, des agents des
              finances publiques submergés devront expliquer aux ménages à
              bas revenus qu’il leur faut participer plus à l’effort
              collectif.
              En retour, ceux qui crient haro sur l’impôt
              continuent à exiger la réduction du nombre de fonctionnaires et,
              pour l’instant, le gouvernement leur prête une oreille très
              attentive. Au risque de creuser encore un peu plus les
              inégalités entre contribuables."